Contribution à la lettre des experts FFF : L’assistance financière des franchiseurs : jusqu’où et comment ?

Dans le contexte exceptionnel d’une pandémie mondiale et d’un arrêt brutal et quasi-total de toute activité économique, le réflexe naturel – par-delà le souci de rester en vie – est de « tenir » et de chercher de l’aide.

Les franchisés n’échappent pas à la règle et après en avoir appelé aux aides publiques et aux facilités bancaires, ils pourraient être tentés de se tourner vers leurs franchiseurs et de solliciter leur appui.

Alors qu’ils sont eux-mêmes confrontés à leurs propres difficultés, que peuvent et que doivent faire les franchiseurs face aux difficultés financières de leurs franchisés ?

Beaucoup de franchiseurs ont reporté les prélèvements des redevances voire temporairement suspendu leur facturation.

Faudrait-il que les franchiseurs aillent plus loin ?

Un ouvrage aussi sérieux que le Lamy Droit Economique avance à cet égard l’idée que « l’intérêt commun qui préside à l’exécution du contrat de franchise implique de la part du franchiseur une attitude active destinée à favoriser le redressement de l’entreprise franchisée » (Lamy Droit Economique 2020, Les contrats de franchise, page 1686). Et de souligner que « la cour d’appel de Paris a estimé en 2014 qu’un franchiseur engageait sa responsabilité « en refusant d’aider son cocontractant à sortir de l’impasse économique » » (C.A. Paris, 19 mars 2014, n° 12/12046) ».

Rien n’oblige cependant les franchiseurs à aider financièrement leurs franchisés, alors au surplus qu’ils subissent tout autant sinon plus la crise.

Ainsi qu’il en a été jugé, « un franchiseur n’a pas vocation à supporter les risques financiers inhérents à l’activité du fonds de commerce du franchisé » et il n’existe notamment nulle obligation pour le franchiseur de prendre une participation dans le capital de la société franchisée (C.A. Toulouse, 14 oct. 2015, n° 13-00325).

Et la Cour de Cassation a approuvé une cour d’appel qui avait notamment jugé que « le franchisé est un entrepreneur indépendant qui assume et porte la responsabilité de ses résultats d’exploitation, financiers, et commerciaux, l’obligation du franchiseur ne s’étendant pas à la prise en charge des pertes du franchisé (…) » (Cass. com, 7 janv. 2014, pourvoi n° 12-17154).

Mais il n’est pas interdit aux franchiseurs qui le peuvent de faire volontairement ce que ni la loi, ni la jurisprudence ne les obligent à faire !

Songeons à cet égard et en premier lieu à la franchise participative.

L’heure n’est-elle pas venue de (re)donner à cette formule ses lettres de noblesse !

Loué dans le système des coopératives où il apparaît comme facteur de renforcement des enseignes, le mécanisme d’imbrication entre la tête de réseau et ses membres est au contraire présenté en franchise comme une « instrumentalisation du droit des sociétés » (Bruno Dondero, Professeur agrégé des Facultés de droit, La Semaine Juridique Entreprises et affaires n° 46, 15/11/12, 1671).

Et l’on se souvient que, dans son avis n° 10-A-26 du 7 décembre 2010 relatif aux contrats d’affiliation de magasins indépendants dans le secteur de la distribution alimentaire, l’Autorité de la Concurrence avait prôné notamment « l’encadrement des prises de participation des groupes de distribution au capital des sociétés d’exploitation de leurs magasins affiliés ».

Cependant et bien conçue et bien encadrée avec un pacte garantissant le respect des intérêts de la société franchisée et de l’associé franchisé lui-même, la franchise participative est loin d’avoir tous les maux et elle trouverait au contraire aujourd’hui à s’épanouir !

Par le biais d’une prise de participation dans la société franchisée, le franchiseur – devenant temporairement l’associé de tel ou tel des franchisés de son réseau – pourrait effectuer des apports en comptes courants pour conforter la trésorerie de partenaires qui – à défaut – risqueraient le dépôt de bilan.

En deuxième lieu – et là encore, redisons-le, pour ceux qui le peuvent – les franchiseurs sont en droit aujourd’hui de se muer en banquiers de leurs franchisés.

Certes, les juges veillent à ce que le monopole bancaire soit respecté et la Cour de Cassation vient d’annuler un arrêt de la cour d’appel de Paris à qui reproche a été fait de s’être déterminée « sans rechercher, comme il lui était demandé, si les facilités en cause ne revêtaient pas la qualification de prêts prohibés par l’article L. 511-5 du code monétaire et financier, sans pouvoir entrer dans la dérogation prévue par l’article L. 511-7, I, 3°, du même code, et par conséquent, sans se prononcer sur le caractère fautif des pratiques suivies par la société (franchiseur) en matière de prêts accordés à ses franchisés » (Cass. com, 15 janv. 2020, pourvoi n° 17-27778).

Mais sans même qu’il soit besoin pour la société franchiseur d’invoquer des « opérations de trésorerie avec des sociétés ayant avec elles, directement ou indirectement, des liens de capital conférant à l’une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres » (article L. 511-7, I, 3° du code monétaire et financier) et quand bien même franchiseur et franchisés resteraient totalement indépendants, encore faut-il rappeler que l’article L. 511 du code monétaire et financier n’interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit ou une société de financement d’effectuer des opérations de crédit que pour autant que ce serait « à titre habituel ».

Qu’un franchiseur – dans le contexte exceptionnel d’aujourd’hui – consente des prêts à tel ou tel franchisé ne saurait tomber sous le coup de la loi !

Que ceux qui le peuvent le fasse sans que ceux qui ne peuvent le faire y voient un quelconque soutien abusif ou une pratique déloyale.